Fluctuat nec Mergitur

Décliné à l’occasion de concerts à Zürich, Cambridge et Paris, le projet Von Zeit zu Zeit, - qui coïncide avec la sortie en octobre d'un nouveau CD consacré au compositeur suisse Klaus Huber, point d’orgue du centenaire
de la naissance célébré au long de la précédente saison -, ambitionne d’interroger l’identité musicale d’un voisin, si proche,..si loin ; la Suisse dont la musique contemporaine incarne un fécond dialogue entre modernité et héritage.

Elle dessine un vaste champ de création qui ne se définit pas par une école unique, mais par un large spectre varié où se côtoient atonalité, spectralisme, micro-intervalles minimalisme et nouvelles écritures électroacoustiques, ce dont témoignent les esthétiques très variées des œuvres inscrites au programme.

Figurant au même Panthéon de la création musicale et constituant désormais des repères éclairant désormais notre présent, Pierre Boulez et Luciano Berio structurent le récital donné au Kings College de Cambridge.
Adossées à ce puissant héritage sont mises en perspectives successivement les créations de Philippe Racine puis celles de Ricardo Nillni, Aurélien Dumont et Augustin Braud dont le point commun d’inspiration est la philosophie.

Présentées dans l’écrin revisité du salon favorisant un lien plus étroit avec le public, elles seront mise en perspective par une rencontre-débat animée par Yannick Mercoyrol où compositeurs et philosophes d’aujourd’hui échangeront
sur la manière dont les concepts philosophiques peuvent interagir avec la musique d’aujourd’hui: soit de façon structurelle avec les sept aphorismes du Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein inspirant à Ricardo Nillni les Sept figures de l’indicible, soit conceptuelle avec la question de l’anachronie de Georges Didi-Hubermann suscitant chez Augustin Braud celle de savoir comment faire figurer la survivance en musique, ou encore au travers de l’utilisation par Aurélien Dumont du concept de la Dé-coïncidence développé par François Jullien.

C’est aussi sous le format rencontre-débat qu’à la Artist House de Rens Lispsius est proposé, remanié, le programme de notre tournée au Maroc en décembre dernier qui, de Boulez à Mâche, en passant par Kevin Volans ou encore Ligeti démontre avec éclat l’ouverture d’esprit et la curiosité de nos compositeurs contemporains pour se nourrir d’autres cultures sans jamais renoncer à la leur, adossée à une tradition millénaire de pensée et d’écriture.

«La mort de l'effort c'est la fin de la pensée», a souligné le philosophe Alain. Musicale ou philosophique, celle-ci à l’évidence n’a pas dit son dernier mot. C’est à partager cet heureux effort fourni par ceux qui la conçoivent et ceux qui ont la charge de la révéler, que nous vous convions.

Dans un contexte global pour le moins délétère et médiocre, votre présence active contribue à lui donner sens, force et légitimité.


Jean-Luc Menet